Jean-Pierre Velly
présentation pour la
Galerie L’oeuf du beau bourg, Paris
9-31 décembre 1976.
Le trait est au visible ce que l’atome est au monde. Ainsi notre relation avec la réalité passe par le trait, car nous ne la connaissons qu’en instance d’être écrite par nos yeux. Le trait est a doublé face : il est notre folie d’aller vers les choses et la folle retenue qui nous empêche de les atteindre, en les voilant du désir même que nous en avons. L’écriture est ce toucher impossible, qui suscite l’empreinte de la chose là où il devrait l’atteindre -la rencontrer. Ce mouvement d’aller, qui ne reçoit rien en retour, on n’en lit l’insistante démence nulle part mieux que dans la gravure (à condition de préciser ici que s’intitule trop souvent gravure ce qui n’est que reproduction par un artiste même de ses propres images). La main qui grave veut faire surgir : elle ne suit pas un dessin, elle le cherche. Et cette différence fait qu’un Bresdin ou un Méryon sont des graveurs, alors que la plupart des soi-disant graveurs sont des dessinateurs n’utilisant le cuivre que par souci de multiplication. Si une image de Jean-Pierre Velly appelle nos yeux à ce point, c’est peut-être moins pour les qualités évidentes qu’ils y lisent, que pour cette raison fondamentale qu’elle est écrite avec la vivacité d’un surgissement qui, dans un même élan, nous offre la vision de l’origine et nous la dérobe en nous la fournissant. Toute image, dans cette oeuvre, doit sa puissance au fait qu’elle se dénonce pour ce qu’elle est et voudrait ne pas être : la couverture d’un mouvement de découverte. La naissance est proche de la mort : il suffit de retourner le trait qui les sépare, mais dans ce retournement quelle unité soudain apparaît ! La même que celle du noir et du blanc puisque le graveur n’inscrit avec l’un que l’affirmation de l’autre.