Poussant jusqu’au bout sa vision morbide, Velly dévoile, comble de l’horreur, l’envers du décor - l’envers des corps. La femme – symbole universel de la beauté et objet du désir– est soumise aux mêmes outrages que les sujets précédents. L’œil infernal de cet échographe maniaque qu’était Velly nous fait pénétrer à l’intérieur du corps tant aimé, il l’éventre, puis l’explore sans complaisance. Le spectacle obscène d’un amas d’organes, de veines palpitantes et de liquides nauséabonds, se déploie sous nos yeux.
La femme allongée au premier plan, Rosa au Soleil, se recoiffe pour prendre la pose d’une langoureuse Vénus maniériste. Qu’aperçoit-elle dans son miroir ? Un corps fantoche, une coque métallique ouverte où l’on distingue des éléments à peine maintenus par des ficelles et des cordes, des tuyaux d’échappement. Une fois démontée, cette machine tombe en panne, et voici un tas de pièces détachées en vrac, dépourvues du moindre attrait. Tout comme Rosa, ce tas d’ordures prend le soleil.
Les Métamorphoses (I à IV) proposent une cosmogonie inversée. On passe de l’ordre signifié par l’harmonie d’un corps de femme, au chaos d’une dépouille éclatée, acéphale, d’où surgit une mêlée de corpuscules, organes, larmes, racines qui tourbillonnent et se déversent dans un univers en apesanteur, sans repères spatiaux. Virtuose, Velly a multiplié les points de vue : des femmes s’étirent, des visages anamorphosés se multiplient, se morcellent et se métamorphosent en un magma organique, un humus fabuleux.
Les maternités sont des calvaires, la souffrance y atteignant son paroxysme. Les corps de ces femmes évoquent la « terre mère ». De leurs entrailles pousse une sphère. En proie à la douleur, elles s’ébattent. Oripeau, drapé ou linceul, la peau ondule, se flétrit, se détache et pend autour de leur chair pourrie. Velly fait s’entrechoquer l’image de la parturition et celle d’un corps en décomposition, qu’il traite comme un paysage imaginaire composé de monts, de crevasses et de forêts, rappelant le vieux mythe selon lequel chaque naissance engendre le monde. Une géographie de la souffrance corporelle.