Michel Random
introduction à l’exposition des graveurs visionnaires de Paris
Galerie Bijan Aalam 1 - 19 mars 1977
Prenez garde à l’insolite. Des jeunes gens terriblement doués apparaissent un peu partout : l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie en connaissent quelques-uns. A Paris, ils forment une sorte de famille spirituelle. Ils se nomment Erik Desmazières, Yves Doaré, Jacques Houplain, Jean Martin-Bontoux, Georges Rubel, Jean-Pierre Velly et leur maître ou ami à tous : Le Maréchal. Ils ont en commun d’avoir redécouvert la noblesse de la planche de cuivre, et d’y faire surgir par le burin, l’eau forte ou la pointe sèche des oeuvres où la dignité du trait, la beauté du noir et blanc composent des visions où tout est dit dans l’extrême rigueur. Une génération exigeante donc. Elle exprime une conscience nouvelle de la chose à dire. Ce n’est qu’au bout de quatre, cinq, parfois huit mois ou plus, que chez eux, une gravure est achevée.
Georges Rubel, Yves Doaré, Jean-Pierre Velly et Erik Desmazières représentent la nouvelle génération. Leur moyenne d’âge est d’environ trente ans. Ils expriment un monde des limites, une « tension de l’être » qui est celle du désir et de la mort.
Il n’est qu’à voir l’oeuvre d’Yves Doaré. Que dire de ces masses humaines qu’il soulève, étire, déforme, de ces écrasements inouïs dans lesquels la présence du burin est évidente comme un scalpel. L’homme et la croûte terrestre ne font plus qu’un.
Doaré est un visionnaire puissant. Il respire à l’aise dans tous les cataclysmes (création ou apocalypse), où l’homme retourne à la matière, devient lave ardente, où le cri jaillit d’autant plus désespéré qu’il est étouffé.
Autant Doaré exprime l’irrésistible devenir des choses, autant Georges Rubel se sent à l’aise dans le monde marécageux des lentes fermentations. Sa vie n’est ni écrasement ni éruption, c’est un inquiétant bouillon de culture, un magma de vies larvaires, d’homoncules, de formes équivoques et indécises, mi-humaines mi-insectes où Rubel semble promener avec sa belle indifférence le spleen d’un romantisme nouveau. Il affectionne l’incertitude des formes comme l’incertitude d’être. Le monde contemporain n’est qu’ambiguïté et le trait de sa gravure aussi. Certes, il met beaucoup de soin à cultiver ce romantisme de l’horreur; aujourd’hui tout n’est que mort et décomposition.
La vie et la résurrection existent, mais c’est bien loin. Deux cadavres copulent au-dessus de cet univers en décomposition comme pour ajouter une sorte de dérision supplémentaire à ce monde où tout est gueule et proie. Alchimie donc, plutôt que tension du devenir.
Chez Jean-Pierre Velly, la vision s’installe dans les temps présents. Son devenir à lui consiste à étirer notre temps jusqu’à ses conséquences ultimes. Ainsi il développe l’image d’une planète étouffée par les détritus. Et ces détritus, Velly les affectionne qui, après avoir envahi la terre, tournoient dans un espace halluciné jusqu’à voiler le soleil. Il est vrai que la grandeur majestueuse de l’arbre est là, que l’immense nuage blanc glisse dans un ciel immuable. Des hordes humaines envahissent tous les horizons et fuient sans savoir où. A quoi bon d’ailleurs, faire ou ne pas faire, fuir ou ne pas fuir. Les êtres humains se sont eux-mêmes changés en détritus, vivants et morts devenus à leur tour objets.
Cette vision d’un néant absurde, terriblement présent, que Jean-Pierre Velly décrit avec un rigoureux classicisme, devient diffuse et transparente chez Le Maréchal. Pour lui tout est signe : l’ange du Jugement dernier surveille ce monde du Néant organisé qui se nomme le Dollar, l’Empire State Building ou la dernière Goutte (de pollution?) qui va tuer les mers. Dire ceci ne permet en rien de saisir qui est Le Maréchal. En lui tout est écoute et tout est secret. L’Apocalypse pour Le Maréchal a déjà commencé, mais la lumière d’un autre monde existe et la transparence étrange de ses œuvres et de son être apparaît comme la rédemption d’un univers condamné.
Ce n’est pas un hasard si une longue amitié lie Georges Rubel et Jean-Pierre Velly à Le Maréchal. Ils apportent chacun une face d’un même message. Signalons qu’André Breton, qui tenait Le Maréchal en haute estime, lui consacra une préface à l’occasion d’une exposition chez Raymond Cordier, préface reproduite dans « Le Surrealisme et la Peinture » (Gallimard ed.).
Toutefois pour les graveurs fantastiques de Paris, le surréalisme est déjà loin.Si l’on considère que le surréalisme illustre de préférence le bizarre ou l’insolite, les graveurs dont nous parlons témoignent d’une inspiration plus secrète, plus intérieure.
En eux la ligne se découvre signe, le signe construit l’image tel un symbole, le symbole met en cause l’univers et le tout se traduit dans une vision graphique où fond et forme se lient naturellement. La facture du sujet est souvent d’inspiration classique, chez Erik Desmazières et Jacques Houplain la ligne épouse la courbe baroque, mais dans tous les cas cette ligne est une flèche tirée vers le fond : c’est l’ampleur de la vision exprimée qui importe, l’alliance magique de ce qu’il est convenu de nommer la forme et le fond.
Comment donc nommer une telle génération de graveurs qui expriment à la fois le fantastique et le visionnaire ?
Il n’est que de voir l’oeuvre d’Erik Desmazières. La vision de villes géantes qui s’écroulent, se dissolvent, secouées par de gigantesques tremblements, celle des voûtes surprises dans l’éclatement de leur chute, sont des réalités secondes situées dans quel passé, annonciatrices de quel futur ? Car le singulier chez Desmazières c’est précisement ce mélange subtil des temps, au point de créer un temps hors du temps où l’ancien et le nouveau se complètent et se répondent. Desmazières est peut-être lui-même ce rêveur éveille qu’il évoque les yeux bandés, tenant à la main une bougie et traversant la ville sur une mince planche jetée entre les maisons. Image archétypale s’il en est. L’initié sait qu’un fil invisible conduit ses pas, la lumière intérieure est la vraie réalité.
Jacques Houplain se situe dans cette marge de la réalité indécise entre visible et invisible; son oeuvre s’apparente à un réalisme du merveilleux où tout est vie. Une légèreté surprenante existe dans des oeuvres où le fantastique respire le naturel. Ainsi, dans ses châteaux ailes faits de coraux, enchâssés de mille yeux, où tout regarde, Houplain est un alchimiste combinant les présences des mondes suggérés, évoqués à peine, par la pointe du rêve et du burin. Il ressemble à ces vieux savants souriant à la jeunesse éternelle. C’est un homme qui perçoit plus qu’il ne dit, et ce qu’il dit tremble intérieurement, comme doué de vies trop intenses et contenues.
Dans cette coulée, Mohlitz est un homme sans âge. Depuis des temps immémoriaux, ses paysages sont fixés dans nos rêves archétypaux. Il grave des évidences dangereuses.
Tout est piège chez Mohlitz, et ses pièges ou ses fantasmes sont ceux qu’un rigoureux mathématicien n’ose s’avouer qu’avec prudence. Il suffit de changer les proportions, mais beaucoup moins que l’insolite, c’est l’inquiétude qu’il cherche, une inquiétude plaquée sur une vision tranquille, qui n’en devient que plus attirante ou redoutable.
En marge de tous, il faut parler d’un alerté provocateur, Jean-Martin Bontoux, à mi-chemin entre le surréalisme et la pataphysique. Fils spirituel de Jarry, dont il a superbement illustré « Ubu-Roi », Bontoux se rapproche des fantastiques-visionnaires dans la mesure où son humour fait rebondir et éclater un Réel énorme, au centre (celui des biens de ce monde) démesuré. Quand il cesse de rire ou de ricaner, Bontoux se laisse emporter par les Hordes et Furies déchaînées qui hantent la planète. Visions cauchemardesques pour un voyage d’après-mort.
Cette exposition est beaucoup plus qu’un fait de circonstance : elle est faite pour prendre date. Un groupe existe, une vision s’étend et s’actualise, oeuvre après oeuvre, une totalité puissante apparaît. C’est ce qu’il convenait de faire connaître et de présenter.
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Michel Random (1933-2008)
Les Voyageurs de l’Ombre et du Regard
extrait du catalogue le Regard et l’Ecriture
une exposition proposée par Michel Random
au Centre Culturel Français, février 1977
Le Réel et l’Imaginaire, le fantastique et le visionnaire, et encore, au-delà des mots, l’indéfinissable voyage des idées et des impressions, du rêve et de la sensation.
C’est ce que proposent les gravures, les noirs et les blancs, les ombres et les gris, en quelque sorte la nuit et ses degrés, de Gerbier, Mockel, Doaré, Rubel, Velly ou Le Maréchal.
Réunis ici, plus parce qu’ils représentent une affinité de sensation qu’une concordance de style, ces graveurs ont un air de famille - (j’allais dire un rêve de famille) car avec eux, comme on le disait si bien autrefois en termes précieux, «l’indéfinissable attrait du mystère » persiste.
A vrai dire on se prend à se demander pourquoi les gravures d’ombre de Mockel sont si envoûtantes? L’évidence n’est pas ce que vous avez saisi - regardez, la scène se compose et se recompose, l’ombre bouge, le blanc fascine, quelque chose trouble, et Mockel n’a voulu dire que ce quelque chose. Du même côté de la nuit, Luc Gerbier est, si l’on peut dire, plus serein. Ce sont d’autres propositions d’envoûtement qui sont là: du côté des terres étirées et basses, des ciels plombes, une âme erre, on croit entendre une musique lancinante et voir s’élever, au-dessus des marécages et des eaux, des nuées de corbeaux noirs. Ce sont des paysages drapés, comme serait une silhouette drapée et insolite ou se découvrirait un romantique perdu de spleen.
Nous sommes en quelque sorte devant une image faite pour porter le regard et l’homme vers des degrés de sensibilité diffus, ou l’âme du paysage et l’âme humaine finissent par découvrir leur même vibration. De même Rubel propose ce monde indécis (hors de la vie et de la mort), une vision d’images rêvées où tout est piège. Regarder les gravures de Rubel c’est tomber dans un alambic, cet alambic opère une macération de choses, d’animalcules, de végétaux grouillants de vies, et tout cela forme une alchimie propitiatoire, une sorte de rite se célèbre, on ne sait pas si ce monde sert à la mort, ou si au contraire il prépare l’élixir de longue vie.
Cette sorte d’univers équivoque, de miroir à l’envers ou rien n’est réfléchi que pour l’être à nouveau, ce jeu des distorsions et des métamorphoses infinies, regardez-le chez Yves Doaré.
Il n’a que faire de dire, ou d’évoquer; Doaré écrit et burine si l’on peut dire profondément, avec une douceur et un acharnement qui viennent d’extrêmement loin. C’est un être des confins, qui nous porte a d’autres confins. Il n’y a pas à comprendre le pourquoi d’une tension, voir ses gravures c’est ressentir cette tension et plus encore en vivre l’effroyable écrasement. Les terres du déluge se sont soulevées, les magmas des mondes préhistoriques se voient bouleversés, quelque chose de terrible devient et Doaré règne peut-être dans quelque enfer souterrain, démiurge tirant les fils de ses mondes depliés.
Paradoxalement Jean-Pierre Velly et Le Maréchal nous ramènent à la surface. Chez Velly l’ombre se fait écriture, tout est dit avec une qualité d’analyste, de vivisecteur inspiré. Nous imaginons le graveur attentif a sa propre autopsie. Curieux jusqu’à l’extrême. Cette curiosité se découvre dans des détails si infimes qu’ils échappent à l’oeil le plus averti. Seuls des agrandissement de détails rendent perceptibles ces atomes d’objets ou de visages qui par milliers peuplent les gravures de Velly comme autant de petits tableaux. Donc exercez votre curiosité à la loupe, tentez ce jeu, sans, bien entendu, ne voir que ce jeu. Velly est un humoriste de situation, ses sarcasmes à l’égard de notre civilisation des détritus ont une ampleur cosmique. Le grain de poussière est une spirale qui conduit au soleil.
Reste que le voyage commence avec le temps et sort de la durée. C’est le cas de Le Maréchal qui se promène dans les astres piégés. En fait ce ne sont plus des astres, voyez plutôt des formes de sphères, d’excroissances maléfiques, telles des fusées, des spoutniks ou autres engins de destruction. Entre tous la vision de Le Maréchal est la plus menaçante, jusqu’au moment où il découvre l’arbre. Alors d’un grand geste de sa paume, il efface les rides du futur, l’arbre éternel est la dans sa puissance et sa transparence, et Le Maréchal écrit pour nous quelques belles paroles, un message lance à la mer, une invitation pour d’autres temps. Notre voyage n’est pas achevé, les temps d’outre les temps sont encore là, l’esprit s’arrête, le spleen continue son bonhomme de chemin, l’ombre et la nuit se marient en chiens de faïence, et tous ces contrastes restent en nous. Il nous faudra voir et revoir, et après tout, nous savons que notre propre clef s’ajoutera à celle du graveur, et qu’ensemble, quelque part, venue de quelle gravure? une méditation insolite se poursuit.
ECOLE FRANÇAISES DES GRAVEURS VISIONNAIRES
Un monde à la recherche d’une renaissance de l’univers
par MICHEL RANDOM
(Revue 3e Millénaire. Ancienne Série. No 1. Mars-Avril 1982)
Michel Random présente ici l’école française des graveurs visionnaires dont certaines œuvres illustrent le numéro 1 de la revue 3e Millénaire, ancienne série. Avec lui entrons dans l’imaginal. Ces artistes français règnent sur l’art difficile de la gravure. Leur démarche, toute faite de symbolisme, laisse la place et aux cauchemars et aux rêves les plus fous. S’ils ne sont pas souvent optimistes ils savent être poètes. Sensibles aux crises de conscience des hommes, à leur peur, leurs angoisses, leurs rêves, ils se font leurs interprètes. Leurs dessins aussi témoignent de la grande mutation, leur vision cosmique et leur désespérance poignante laissent pourtant quelquefois poindre la fraîcheur d’une nouvelle ère, l’espoir d’une simple fleur sur un paysage de désolation et de mort.
Le mot école fait peur, le mot vision encore plus. Si nous accolons ces deux mots, où allons-nous ? Messieurs, l’art est un péril et la création est en crise. — Vous connaissez tous les graveurs visionnaires ? demande le spécialiste.
A dire vrai, voici quelques années déjà qu’ils sont connus, et reconnus. Tenter donc d’acheter une gravure de l’un d’eux, ce n’est pas si facile. Les amateurs sont nombreux, les tirages discrets et les nouvelles gravures apparaissent avec une lenteur extrême. Rien n’est donc facile avec ces gens-là.
Mais en fait qui sont-ils ? Une bande de copains ? Oui. Des gens qui manient le burin ou l’eau-forte avec une maîtrise de vieux maître ? Il n’y a pas de doute. Des artistes inspirés et débordant de talent ? C’est l’évidence même. Après tous ces conciliabules où peut-on les rencontrer ? Ça c’est la plus belle énigme. Ils sont dispersés aux quatre coins de France ou d’Ailleurs, mais il y a des moments, des lieux de retrouvailles et de fêtes. Les amis se retrouvent toujours.
Enfin, de qui parlez-vous ? Vous voulez des noms ?
Les voici : ils se nomment Jean-Pierre Velly, Yves Doaré, Georges Rubel, Jacques Houplain, Eric Desmazières, Jacques Le Maréchal, Mordecaï Moreh et le benjamin de tous Fabrice Balossini. Et, bien sûr, il y a les copains des copains, mais la liste serait trop longue. En bref, soyons sérieux, pourquoi sont-ils, eux plutôt que d’autres, des « graveurs visionnaires » ?
Tout discours sur l’art est un discours piégé. On risque les généralités et la louange fleurie, et ces louanges ne sont souvent pas justifiées. Parler d’art est difficile et d’art visionnaire encore plus. Car, l’art visionnaire n’existe pas. Ce qui existe, c’est soit une œuvre rare et privilégiée dont la force et la beauté sont le résultat du talent et de la technique certes, mais plus encore de convergences réussies : c’est l’inspiration qui traversant le fond et la forme s’impose, se burine elle-même, prend corps à travers un poète, un musicien, un graveur, s’incarne en paroles, musique ou signes, se génère elle-même comme source inépuisable d’inspiration et de vision. A ce degré, nous avons quitté l’imaginaire, pour parvenir en cette terre où les choses, les idées et les sentiments n’ont plus un corps mais une « corporéité ». Ce monde était traditionnellement décrit comme le monde où le corps a réalisé son alchimie ultime après maintes morts et renaissances, et s’est fait corps lumière. C’est le « lieu » de cette terre imaginale qu’Henri Corbin nous a révélée à travers le soufisme chiite persan. L’art visionnaire est en fait la somme de toutes les « visions » de tous les moments rares et exceptionnels ajoutés les uns aux autres. C’est un art au-delà de l’art. Autrefois les grands imagiers mystiques se purifiaient et faisaient des prières avant de commencer leurs œuvres : aujourd’hui on boit peut-être un coup de rouge, mais la pureté intérieure et intrinsèque est la même. De toutes les façons, l’œuvre est rare, mais quand œuvre il y a, il faut savoir s’arrêter, interroger, comprendre.
Il est tout à fait remarquable qu’existe en ce moment une école française de gravure d’une si grande qualité. Les Autrichiens se sont énormément enorgueillis de l’école du réalisme fantastique de Vienne comprenant de grands peintres tels qu’Ernst Fuchs, Hausner, Lehmden, Hutter etc. Le succès de l’école de Vienne est dû certes au talent des peintres eux-mêmes, mais aussi au fait que la peinture est infiniment plus rentable que la gravure. Pousser la cote d’un peintre, c’est pour les galeries une bonne ou une très bonne affaire — pousser la cote d’un graveur n’intéresse que très médiocrement les galeries. Les bénéfices resteront minces quoi qu’on fasse. Et pourtant, quand Jean-Pierre Velly ou Doaré travaillent une année sur une gravure, l’œuvre est non moins astreignante. Si la valeur d’une gravure ne se mesure pas nécessairement au temps qu’on y passe, il est évident toutefois que travail, talent et temps sont souvent les facteurs d’une grande réussite.
Qui a dit que le génie, c’était 5 % d’inspiration et 95 % de transpiration ?
Toutes ces considérations ont peu à voir semble-t-il avec la vision. En fait, c’est comme si on disait d’un moine que labourer son jardin a peu à voir avec le mystique. Le graveur est aussi un jardinier, et sa terre, c’est-à-dire la plaque de cuivre, est une surface non moins difficile et ingrate à faire fleurir.
Nous reconnaîtrons tardivement que la France possède donc une « école » ou un groupe de graveurs et de peintres qui sont en marge des courants classiques de l’art. Ils ne sont ni figuratifs, ni surréalistes, ni vraiment fantastiques bien qu’un certain fantastique apparaisse dans leurs œuvres. Ils sont avant tout « visionnaires » au sens où ils s’efforcent de lier sensation intérieure et exigence de l’esprit, rêve et au-delà du rêve. La vision n’est pas l’art d’échapper aux choses, c’est au contraire l’art de condenser, de faire descendre le mystérieux vers soi. L’Art fut de tous temps le voyage intérieur et le voyage des dieux. C’est le dieu du mythe qui apparaît ainsi armé de ses vertus alchimiques. Donc l’art visionnaire réintroduit l’homme dans l’œuvre mais l’œuvre est libre, comme libre est l’homme au sens de la vision. Voyage où les principes du mercure et du soufre opèrent, ceux de la vie et de la mort et surtout leur dépassement. C’est pourquoi si Velly, Doaré, Rubel, Mockel sont familiers avec les thèmes de la mort, ils le sont pour repousser la mort derrière la mort, pour bâtir l’hallucination non pour elle-même, mais comme la frontière de cet Ailleurs, de cet au-delà des mondes que la conscience éveillée scrute sans cesse.
L’écriture de l’un
« Quand on touche le fond, dit Jean-Pierre Velly, on ne peut plus rien communiquer. C’est pourquoi tous les visionnaires sont mystiques. Parce que là se découvre un langage inexprimable, un langage unique ».
Ce langage unique, c’est un langage blanc ou un langage transparent ou un voyage au sein des transparences ou le voyage des dévoilements. Quelque chose est là, vibrant, secret, intime aux choses. Ce quelque chose, n’est ni l’objet, ni la chose vue, ni moi, c’est l’alliance des deux ondes qui interfèrent et vont créer cette réalité du centre, qui n’appartiendra à personne, qui tout simplement sera. Pour passer du concept au concret, il faudrait voir certains tableaux de Le Maréchal, des œuvres élaborées longuement au fil des ans. Car pour gagner cette transparence qui est là toute prête, il faut en réalité temps et patience. Connaître les couleurs (mais Le Maréchal fabrique lui-même ses couleurs) appliquer une fine couche, laisser sécher et recommencer. La transparence dans la peinture, c’est le secret des grands maîtres. Car dans vision il y a miroir, traversée des apparences, au-delà. Au-delà, c’est l’image qui s’efface, l’œil qui ébloui s’apaise, voit sans voir, réalise peut-être le vide.
« La vision, pour moi, dit Le Maréchal, c’est la fin du mental, de l’esprit tel qu’on le conçoit. On peut définir la vision comme un blanc indescriptible. C’est un mouvement formidable, une prémonition, un éclairement. Tout le reste n’est qu’une forme provisoire et transitoire de l’esprit. »
La Tentation de Babel
Notre temps est celui d’une tentation à tous les niveaux, une tentation qui se voudrait dépassement et qui échoue dans une grandeur avortée : c’est par excellence la tentation de Babel.
Il est d’ailleurs frappant que ce soit un thème sur lequel le benjamin de ces jeunes graveurs, Fabrice Balossini qui aujourd’hui seize ans, a travaillé dès l’âge de dix ans. Il en a fait à douze ans le thème de sa première gravure. La tour de Babel pour Fabrice c’est un peu la parabole avant la lettre de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, de l’homme qui ayant reçu tout ce qu’il est de Dieu, veut mesurer ses forces avec Dieu lui-même.
Ce même thème sous forme de villes géantes est repris constamment par un autre benjamin Eric Desmazières (né en 1948). Il est lui aussi l’auteur d’une tour de Babel, une cité de tours qui évoque toute la démesure dont l’homme est capable. Desmazières sait admirablement jeter des villes gigantesques qui du haut de leur folle grandeur ploient tout-à-coup et commencent un fantastique écroulement. Il a surtout l’art d’intervertir les temps anciens et les temps nouveaux. Comme si la grandeur des civilisations n’apparaissait qu’au milieu de leurs ruines. Que ce soit des villes modernes ou des temples comme devaient l’être ceux de Ninive, de Persépolis ou de Babylone, l’effet est le même ou presque. Car finalement, c’est la même humanité, misérable, éclatée, qui est réduite à se retrouver autour d’un feu comme sans doute aux origines de l’humanité. Et en même temps on pressent que ce n’est qu’une parenthèse entre mille et que la vie va reprendre.
Le Massacre des innocents
Cet art de lier l’ancien et le nouveau se retrouve chez J.-P. Velly (né en 1943). Le futur est déjà là, comme l’image d’un commencement ou d’une fin sans cesse vécue et revécue à travers les temps. Le danger aujourd’hui, ce n’est plus la peste ou Gengis Khan ou Tamerlan, le vrai mal, un mal sinistre qui est comme la synthèse même de tout ce qui est mal, c’est pour J.P. Velly, la consommation.
A maintes reprises, il a évoqué ce thème avec une verve acerbe et un humour constant. La planète asphyxiée par son trop-plein de boites de conserves et de détritus de toutes sortes, y compris des détritus humains, a tout rejeté dans le cosmos. Et le soleil lui-même n’apparaît plus que comme un disque pâle autour duquel les détritus tournoient à l’infini. Les humains eux-mêmes sont des poupées dérisoires, des êtres où désormais les formes tubulaires de la mécanique et les viscères organiques font un étrange mariage. Le robot organique humain, c’est l’ultime frontière franchie, l’homme devenu lui-même objet parmi les objets.
Il est bon que la fraîcheur de la vie se retrouve chez de tels graveurs, une fraîcheur qui malgré son fond d’apocalypse désespéré, redresse la tête et refuse précisément de se résoudre à cette folie de la fin des temps.
Les écologistes devraient tirer d’immenses affiches des œuvres de Velly. Le néant de notre société, le vide des corps et de l’esprit, la monstrueuse illusion d’un bien-être factice gagné au prix d’une destruction planétaire, qui donc a traité ces thèmes avec une vision et un art aussi aboutis ? Le chef d’œuvre de Velly est sans doute une gravure qu’il a mis un an à réaliser en travaillant dix heures par jour : Le Massacre des innocents.
Une marée, un océan humain emplit la terre jusqu’à l’horizon et fuit sans savoir où. On ne finit jamais d’imaginer le pire, de même qu’on ne finit jamais de découvrir le fond de l’absurde. Quand on s’imagine les trésors de science, d’intelligence, de travail et de courage, toutes vertus positives qu’il est nécessaire pour bâtir une civilisation comme la nôtre, on se demande par quel incroyable renversement tout ce bien va servir à l’anéantissement général, et pourquoi même une telle absurdité est-elle possible.
Le « massacre des innocents » se répète dans l’histoire chaque fois que l’homme cède à la tentation de Babel, à la toute-puissance de sa foi en lui-même. Le dieu machine, le déterminisme, la causalité, les pistons manichéens de l’efficacité pour l’efficacité, de la raison raisonnante, voilà la grande préparation, la suprême illusion qui porte en elle-même l’anéantissement et le massacre futur de tous ceux qui, innocents ou non, se laissent prendre à l’illusion technologique. Velly nous burine ces évidences avec une force et une science rares. Il n’hésite pas devant notre enfer, mais il n’en rajoute pas non plus. Il suffit, dirait-il, de le décrire minutieusement assaisonné d’humour et c’est ce qu’il fait.
Et puis, de temps à autre, Velly marque une pause et aborde un rêve de fraîcheur. Un ange passe comme on dit. Un ange qui derrière ses ailes déployées, laisse dans son sommeil apercevoir une terre réelle, une terre simple faite de fleurs et des arbres de tous les jours. Et l’on se rend compte alors que le paradis terrestre, c’est cela, notre terre quotidienne, toute fraîche et charnelle, une terre non souillée.
Le songe nous offre l’image de la vague pure infiniment renouvelée, de l’immense nuage qui roule sa majestueuse mélancolie, des arbres qui parfois se dressent encore au-dessus des détritus, dernière image d’un reste de vie. Et puis, couché dans ce rêve même, voici l’homme qui se retrouve fils du ciel. Voici les fils ténus et innombrables qui relient l’homme au cosmos, non, qui font de l’homme et du cosmos une même unité.
Les Mémoires géologiquesImaginons que la planète désormais morte roule silencieuse à travers les temps. Enfin, voici le jour de ce temps entre les temps, celui de la Résurrection. Alors un spectacle dantesque se déploie, la terre se soulève et cette terre, ces montagnes, ces fleuves prennent formes humaines. Toutes les pierres et les racines n’étaient donc que des êtres immobilisés. « La Mémoire géologique », titre de la plus belle gravure d’Yves Doaré (né en 1943) révèle ce qu’elle est : la mémoire sans fond de toute l’humanité de l’origine à la fin des temps. Les gravures comme la réalité sont faites pour être vues, non pour qu’on les décrive. Mais quand ces gravures sont le support d’une si intense vision, on sent bien que l’image conservera son contenu quoi qu’on en dise. Cette gravure de Doaré est sans prix. Elle est jusqu’à ce jour son œuvre maîtresse : une énigme, profonde, dense, bouleversante parce que les fins premières et dernières se trouvent réunies. La terre n’est faite que de corps, mais est-ce la terre ou une autre dimension ? Car il n’y a plus ni terre, ni ciel. Il n’y a que cet éveil, cette force des jaillissements venue d’Ailleurs. Il n’y a que ce mystère et cet Ailleurs même.
Quelque part la nuit bouge
La nuit est la substance de la vision. Les poètes et tous ceux qui goûtent la densité obscure des choses savent que l’ombre, la lumière et la nuit sont des territoires où le passage du noir au blanc, c’est le passage même, la lisière de l’absolu, le lieu où l’appel, la convocation, l’autre côté du monde apparaît. C’est sur cette lisière que Francis Mockel (né en 1940) convoque ses entités, ses formes envoûtantes et quelque peu effrayantes. Quelque part la nuit bouge sous la force du désir et du rêve. La vision, celle des morts solitaires (le noir), c’est l’épanouissement des chairs féminines (le blanc) qui représentent toute la force du vivant.
Mockel travaille ses eaux-fortes comme un boulanger fait le pain. La pâte qu’il pétrit, ce sont les acides et ces liqueurs corrosives sont goûtées, senties, humées comme si la vie s’ajoutait à la chimie pour rendre plus alchimique la vision.
Partie de Campagne ancienne et moderne
L’une de ces œuvres significatives de ce qui vient d’être dit est une gravure que Georges Rubel (né en 1945) nomme « Partie de Campagne ancienne et moderne ». Dans un univers d’outre-monde, où ruines, terres et eaux se mêlent sous un ciel de fin du monde, un couple de squelettes copule sur une immense tête de mort. Les mots sont pauvres et la gravure est riche. Car en définitive, tout est apparemment morbide et rien ne l’est dans cette gravure. La subjectivité est extrême et la distance entre le moi et l’œuvre est immense. Plus je descends en moi, plus je suis loin de moi. Si Rubel construit des hallucinations réelles, si ces images semblent rêvées et piégées, c’est que tous les mondes de la mort sont faux. Ce qui est vrai, ce sont nos projections sur la mort. C’est notre œil qui rend réelle une mort illusoire. Mais cette illusion est l’objet et le fruit d’un doux maléfice. Rubel en a fait son monde, pour en exorciser l’envoûtement.
Il rejoint en cela son maître Bresdin qui lui aussi aimait promener son spleen dans ce monde intermédiaire. Il existe un air de famille entre « Partie de Campagne » de Rubel et « Eclaircie dans la forêt » de Bresdin. Dans les deux cas ; c’est une méditation sur la vie qui naît de la mort et la mort qui se détache de ses propres fantasmes pour laisser place à la vie. Dans les deux cas, c’est l’attirance et la fascination de la mort qui est exprimée et cependant combattue avec ses propres armes. Finalement les ossements, le souffle de la terreur nocturne, la danse des fantômes et les cris des chouettes, c’est un merveilleux décor pour arracher la peur à la peur et aller au-delà. Entre l’ombre lunaire et froide et la naissance du soleil il existe une mince lisière, celle de l’éternel renouveau. La vision —, c’est le jeu de ce passage entre ceci et cela, entre mort et vie, entre ce qui est et ce qui n’est pas. La vision, c’est l’union des contraires, et la source où l’unité, le continuum de toutes choses se manifeste.
La Planète écoute
Ce titre qui est celui non d’une gravure, mais d’une peinture de Jacques Houplain, pourrait en fait être celui de toute son œuvre. Jacques Houplain (né en 1920) est un vieux routier de la gravure et lui, a fait carrément le saut. Il demeure là où les sources sont nées, où le conflit entre ombre et lumière s’est apaisé. Il a franchi autrement dit notre dimension et vit, voit, écoute ailleurs, sur une autre planète et dans un autre temps.
Son jardin n’a ni ossements, ni têtes de mort, il est surtout composé de constructions étranges et attirantes : des châteaux-racines, des châteaux-chevelures, des châteaux-trous de gruyère ou des châteaux-décors de ballets pour la quatrième dimension. Jardins faits de coraux enchâssés d’innombrables yeux. C’est le minéral vivant, le monde où tout est présence.
« La démarche visionnaire, dit Jacques Houplain, est inexprimable… Créer une œuvre, c’est vivre et se laisser vivre par cette œuvre ». Pas de définition donc, sinon celle-ci : va à ce qui est, et ce qui est te dira ce qu’il est.
Le Jardin alchimique de Moreh
Il est particulièrement heureux d’achever tout voyage par une agréable promenade. Si nous avions l’occasion de hanter le jardin de Moreh, que de belles découvertes n’y ferions-nous pas. Moreh est un admirable graveur d’animaux qui n’est « visionnaire » qu’en peinture. Et encore nous sommes ici à l’opposé d’une vision naissante comme une eau vive chez J.P. Velly, Doaré ou Rubel. Chez Moreh la vision possède cette connaissance hiératique, ces mots de passe, ces signes de reconnaissance qui sont ceux de l’alchimiste. Je construis la vision comme je construis un alambic et le reste sera donné de surcroît. Le merveilleux est que souvent une inspiration juste est au rendez-vous. Même le sage disait quelqu’un, peut tenir le panier des rêves. Ici, c’est moins donc la vision spontanée qui laisse le pas à la vision des signes et des symboles et pourtant la beauté est au rendez-vous. Les quatre éléments font la ronde, l’arbre de vie et l’arbre alchimique nouent leurs puissances conjuguées. « Mes tableaux, dit Moreh, sont des visions qui s’imposent à moi. Par exemple, durant des années, des sujets tels que l’œuf, des animaux mythiques tels que la licorne, des êtres hybrides etc., provoquaient en moi une réelle aversion. Or, envers et contre tout, ces thèmes se sont glissés dans mes tableaux. Je devais les peindre au point d’en perdre le sommeil. » C’est toute la dramaturgie du signe qui apparaît. Pourquoi telle image archétype vient-elle s’imposer à soi et pourquoi pénètre-t-elle toute vie de son propre destin. Ce qui vient, vient de ce champ de pensée qui anime les mondes. C’est donc chez tous les graveurs et peintres une exigence qui n’est ni du mental, ni de l’imaginaire, mais qui est tout simplement. Chaque créateur devient ainsi en lui-même le Livre de la Création.
La vision est une marche rude et dangereuse mais elle répond précisément à l’inquiétude contemporaine.
En vérité nous sommes dans le labyrinthe, dans un labyrinthe hanté où tous les cheminements sont possibles parce que désormais tout est possible… Mais il faut aller au-delà des images. Les vrais joueurs de dés savent aujourd’hui que le hasard n’existe pas, que tout est écrit, que la page même où l’on écrit ce qui est, se sert de ma propre personne pour authentifier ce qui est discernable dans ce présent immédiat. Quelque part, je suis interrogé. C’est le secret du voyage, et des lectures visionnaires de tous les temps, mais qui aujourd’hui doivent se révéler avec une alchimie où chacun tente avec ses propres clés, tous les modes du possible.
Cette vision, il faut s’efforcer de la découvrir en toutes choses, la face de jour et la face de nuit, ou celle de la mort qui nous obsède. Les temps de l’Apocalypse sont peut-être aussi les temps de la Résurrection.
A l’origine existait la Vie, à la fin existe encore la Vie. C’est l’étrangeté du voyage que de vouloir allier aux extrêmes une démarche qui inclut tout parce qu’elle ne retient rien.
Voyons ces jeunes gens, qui par le burin, l’eau-forte ou la pointe sèche, dégagent des œuvres où la dignité du trait et la beauté du noir et blanc composent des images où tout est dit dans l’extrême rigueur, vision sans doute mais exigence aussi, exigence que la conscience de la chose à dire réclame la science du dessin, la science du trait, la science de la contention ; et cette science qui est conscience, caractérise la nouvelle génération.
En marge de tous, il faut sans doute parler de l’œuvre de François Lunven mort en 1971à l’âge de 29 ans.
On disait de lui qu’il serait l’un des grands maîtres de la gravure contemporaine. En lui se poursuivait la vision d’un monde articulé, réinventé où la mécanique et l’organique faisaient d’étranges mariages : Lunven dessinait des monstres, des figures de crustacés, des constructions où l’imaginaire voulait appréhender et reconstruire son propre monde, son propre mode de reconnaissance.
Le réel et l’imaginaire se sont noués et dénoués sans doute tragiquement. C’est pourquoi il n’y a qu’à regarder comme au-delà d’une autre planète.
Existe-t-il une manière de conclure un voyage dont l’objet est d’être sans fin ?
Comme la vie s’achève dans une plus vaste vie, comme le regard se réalise dans une immensité sans limites. En réalité les choses n’existent que si elles sont pour nous précisées, polarisées, focalisées sur un sujet, un lieu, une idée, un état. C’est notre manière de gravir, d’effectuer, l’illusoire ascension de l’être et du connaître, c’est l’illusoire recherche de ce savoir qui nous sait, de ce maître qui est en nous, de cette vision qui ne nous a jamais quittés.
Les graveurs visionnaires ont ouvert un certain voyage, appris, vécu, illustré. Les maîtres-tailleurs de pierre scellaient leurs symboles, leurs clefs de reconnaissance dans la pierre en un lieu souvent invisible — c’était une marque de compagnonnage, une clef, mais un clin d’œil aussi à travers le temps. Nos graveurs visionnaires ont renoué avec cette tradition, leur clin d’œil est bien caché, mais il existe, à nous de le trouver.