Velly     Giorgio Soavi (1990)
 
 
 
dans «il Giornale Nuovo», Milan, 30 mai 1990.



la tragique disparition du peintre breton Jean-Pierre Velly

La lumière à l’ombre du chêne

traduction: P.H.

Un homme de 47 monte en compagnie de son fils sur un bateau à voile pour faire un tour sur le lac de Bracciano et quand l’embarcation effectue un virement de bord trop brusque ou inattendu, l’homme tombe et coula à pic dans l’eau et on ne le voit plus. C’est par cette effroyable conclusion qu’est mort dimanche Jean-Pierre Velly, un des plus extraordinaires dessinateurs, peintres et graveurs apparus ces dernières années. Il était arrivé en Italie comme pensionnaire à la Villa Médicis, siège de l’Académie de France à Rome, à l’époque où la Villa Médicis était dirigée par le peintre légendaire Balthazar Klossowski de Rola, dit Balthus. Velly, comme les autres pensionnaires ne voyait jamais l’illustrissime directeur, mais en respirait l’air.
À la différence des autres étudiants qui s’inspiraient, même dans leurs travaux, du climat balthusien en faisant des portraits de jeunes filles semi endormies mais profondément troublées par la vie, Velly décrivait différemment la catastrophe qui dévaste notre planète. Pendant quelques années, l’artiste breton (né à Audierne en 1943) sectionna l’existence en n’en faisant un portrait plutôt funèbre dans ses exceptionnelles gravures ; il se détacha de cette vision du monde quand il fit une série de portraits de la nature moins tragiques, qui concernaient la beauté des fleurs, et plus qu’à leur beauté, à la grâce des fleurs séchées ou fanées.

Sa manière de faire attention à la physionomie de la nature avait un très respectueux ancêtre, parce que l’on peut dire sans qu’il n’en déplût à Velly qu’il rendait hommage à Dürer presque toutes les fois qu’il composait un ensemble de fleurs. Dans les dernières années, avec une série d’expositions à Rome, à la galerie Don Quichotte, à Milan à la galerie Gianferrari, puis à la galerie Sanseverina de Parme, l’oeil du peintre s’est étendu à une série de paysages romains que nous pourrions définir comme classiques, voire romantiques : de grands arbres cachant des villas ombragées, provenant de la réverbération de cette lumière qui, dans les environs de Rome, n’a jamais plaisanté avec la beauté. Ce sont aussi des paysages dévastés, mais la lumière n’en est pas moins belle. Et Velly regardait attentivement cette lumière dorée comme si elle était unique au monde. Il était convaincu qu’un arbre était une source inépuisable d’ombre et de lumière, et que dessinant les milliers de feuilles de la partie basse de cet arbre était comme regarder à l’intérieur d’une main : toujours un peu plus claire, plus pâle et plus faible que le dos. 

Le Grand Chêne qui resplendissait dans sa dernière exposition à Parme appartenait à une villa qui se trouve aux environs de Sutri. Velly avait arrêté le moment où l’ombre et la lumière cherchent à se stabiliser, même si la lumière de la journée est déjà en train de disparaître. Puis une ombre immobile serait arrivée, humide et ruisselante, un abîme sans culture. Ce tableau dense de prémonitions ressemble à un de ses autoportraits, si sévères mais aussi désireux de se refléter dans le miroir de la peinture, de communiquer un peu de Dürer à travers ce regard. Un regard que Jean-Pierre Velly avait si bien remarqué, vu qu’il réussissait à exprimer la même tension qui coure entre l’ombre et la lumière, réservoir de peur qu’est la vie qui s’en va, pendant que l’on est encore vivant.

Les coussins pour la regarder ne sont ni dans la villa, ni de l’autre coté, là où le soleil se couche. Bientôt, serait arrivée l’ombre obscure, humide, ruisselante, un abysse inculte. 

Ce tableau dense sans admonition ressemble à l’un de ses autoportraits, si sévères mais aussi désireux de se regarder dans le miroir de la peinture, de communiquer un peu de terreur à travers le regard. A peu de distance de Formello, où il avait choisit de vivre, la lumière dorée et inquiétante de ce paysage inonde l’existence : la sienne, plus que jamais. Il a disparu en faisant ce plongeon dans l’eau, par surprise, nous laissant sidérés par la rapidité avec laquelle tout s’est déroulé. Mais son travail de peintre, créateur des meilleures aquarelles que j’ai vu depuis ces derniers dix ans, flotte au dessus de cette eau qui lui a tendu un piège mortel.Maria_Lombardi.htmlMaria_Lombardi.htmlVilla_Medicis.htmlVilla_Medicis.htmlAudierne.htmlvases_de_fleurs.htmlAlbrecht_Durer.htmlGalleria_don_Quichotte.htmlGianni_Cavazzini_Severina.htmlArbres.htmlpaysages.htmlArbres.htmlTassi_1989_fra.htmlPortraits_et_Autoportraits.htmlAlbrecht_Durer.htmlFormello.htmlshapeimage_2_link_0shapeimage_2_link_1shapeimage_2_link_2shapeimage_2_link_3shapeimage_2_link_4shapeimage_2_link_5shapeimage_2_link_6shapeimage_2_link_7shapeimage_2_link_8shapeimage_2_link_9shapeimage_2_link_10shapeimage_2_link_11shapeimage_2_link_12shapeimage_2_link_13shapeimage_2_link_14shapeimage_2_link_15

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